Le parcours moteur avec des tables !

Cela peut paraître surprenant la première fois que l’on raconte aux parents que nous avons proposé un parcours moteur… avec les tables ! Cela peut susciter des réactions d’étonnement et de crainte « mais, vous les laissez monter sur les tables ? Ne vont-ils pas faire la même chose à la maison ? ». Déjà, pour répondre, nous précisons que si nous les laissons monter sur les tables, c’est dans un cadre précis, lors d’un temps donné, avec des consignes et un aménagement spécifique. Les enfants peuvent comprendre cela et faire la différence… c’est comme pour tout, à force d’explications et de répétitions, les enfants intègrent qu’ils ont le droit de monter sur les tables à la crèche lorsque c’est en parcours moteur ! En dehors de ces temps-là, ils ont interdiction de grimper dessus. Car nous leur expliquons que ce n’est pas sécurisé quand il n’y a pas de tapis ni d’adulte à côté. Bref, pas de panique, les enfants ne montent pas plus sur les tables à la maison, si nous leur proposons à la crèche de le faire lors de moments de motricité. Au contraire… lorsqu’ils commencent à bien marcher, les enfants grimpent partout. Ils essayent bien sûr de monter sur les tables, à la maison, à la crèche… En fait ils expérimentent leurs capacités motrices un peu partout, sans savoir encore ce qui est permis ou non, ce qui est acceptable en société ou non. Ils n’ont aucune conscience de tout cela. Forcément, plus nous interdisons de grimper, plus ils le feront et surtout là où cela suscite des réactions. Les tables sont très intéressantes pour eux et tant qu’ils n’auront pas essayé de monter dessus, ils continueront d’essayer. Alors autant le leur proposer mais dans un cadre sécurisé, afin qu’ils puissent tester leurs compétences motrices, tester leurs propres limites, acquérir la notion de danger, hauteur, d’équilibre… etc. Pourquoi les tables sont-elles intéressantes dans leur motricité ? Pourquoi ont-ils ce besoin d’escalader ? Voyons cela de plus près…
Pourquoi ce n’est pas pertinent d’interdire l’escalade sur les tables ?

Comme le souligne Héloïse Junier, psychologue en crèche et formatrice dans l’article des « prodelapetitenfance » : « L’enfant ne souhaite pas escalader, il a besoin d’escalader, il est littéralement programmé pour escalader. Escalader, grimper, se hisser, franchir, monter, se faufiler, aller là où il ne faut surtout pas aller et faire ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est un peu son métier. D’autant plus que la petite enfance est une période de vie marquée par un développement moteur intense. Pour aiguiser son sens de l’équilibre et peaufiner ses fonctions motrices, un enfant a besoin de confronter son corps à des situations parfois périlleuses qui lui demanderont de lever la jambe plus haut, de tendre le bras plus loin pour trouver un appui, de chercher davantage son équilibre ».

De plus, l’enfant est dans l’agir, et dans l‘exploration spontanée de ce qui se trouve sous ses yeux. Laisser à la disposition d’un enfant une table qui est à sa hauteur et lui interdire de monter dessus revient un peu à déposer un grand verre d’eau face à une personne assoiffée et à lui interdire d’y toucher !
Notre projet pédagogique met en avant la motricité de l’enfant, qui plus est, la « motricité libre ». C’est-à-dire laisser l’enfant faire seul ses découvertes motrices, sans le « porter » pour le mettre sur quelque chose de plus haut. Nous laissons l’enfant faire de lui-même, et s’il n’y arrive pas, il trouve de lui-même des solutions, ou réessaye plus tard. L’adulte n’intervient que pour assurer la sécurité de l’enfant lors de ses expériences motrices.

Des tables pour grimper…
Pour le petit enfant, la table est haute, même si elle est à sa hauteur d’enfant. Pouvoir monter dessus, c’est déjà compliqué. Car bien sûr, nous ne mettons pas un enfant debout sur la table, c’est à lui d’apprendre à y monter, tout comme pour le toboggan, un vélo, ou tout autre chose pour laquelle nous laissons l’enfant essayer et y arriver tout seul. Bref, l’enfant développe de lui-même ses propres stratégies pour pouvoir monter sur cette table. Un enfant de petite taille va s’aider d’un bloc moteur, pour se faire une petite marche, d’autres vont lever la jambe haut, se hisser par les bras, pour y monter par la force… d’autres vont aller chercher un seau ou un objet lui permettant de se faire une marche…. À force d’essayer, ils finissent par y arriver. Quel bonheur et quelle fierté pour eux lorsqu’ils réussissent la première fois à monter d’eux même sur cette table. Une fois là-haut, que fait-on ? Déjà, la hauteur que cela représente leur permet d’appréhender le vide et la hauteur. Et tester différentes hauteurs tôt, leur permet de ne pas en avoir peur.

Des tables pour avoir de la hauteur…et sauter
Une fois là-haut, les enfants peuvent avancer sur les tables, debout, à quatre pattes, peu importe… les plus petits avancent un peu et redescendent. Les plus grands suivent le sens du parcours, et vont jusqu’au bout avant de se jeter et sauter ! Certains ayant peur de sauter seuls, ils tendent la main à l’adulte. D’autres ne sautent pas mais redescendent tout doucement. Hop les fesses en premier, il descend les jambes, elles touchent le sol, ouf, ils peuvent redescendre ! Là encore, différentes manières de descendre en fonction de l’âge, des capacités, et des appréhensions de l’enfant ; Un adulte est toujours près des enfants, et veille à la sécurité de chacun. Mais généralement aucun enfant ne se lance seul s’il n’a pas confiance en ses capacités ; nous pouvons leur faire confiance là-dessus. Un enfant qui a été habitué à faire seul, à trouver ses propres postures, est assez prudent et ne va pas tenter des choses au-delà de ses propres capacités motrices. Sauf quelques enfants, des exceptions, qui n’ont aucune notion du danger et veulent faire « comme les grands » et se jeter alors qu’ils ne sont pas encore tout à fait capables de se réceptionner seuls. C’est pourquoi nous laissons l’enfant faire au maximum et évitons aussi de leur donner la main lorsqu’ils veulent descendre. Là encore, les aider à descendre alors qu’ils se tiennent à nous, en réalité, ne les aide pas, car ils sont dépendants d’un appui qu’ils n’ont pas lorsque l’adulte n’est pas là. Alors que le but est qu’ils apprennent d’eux mêmes, et découvrent leurs propres limites eux mêmes, avec prudence.

Des tables pour passer en dessous et se cacher
Les tables servent aussi à faire un tunnel : les enfants rampent en dessous. Cela leur permet d’exercer leur motricité et leur attention : sous la table, on ne peut pas se relever sinon on se cogne. Se baisser, ramper, se relever ensuite, sont d’excellents moyens d’apprendre à connaitre son corps et à prendre conscience de ses capacités. Si l’on ajoute un grand tissu, nous avons une super cachette sous la table. Les enfants adorent se cacher et s’imaginer une cabane, une maison… un simple bout de tissu et une table permettent de ravir les enfants.
Ainsi les tables représentent un merveilleux outil pour développer la motricité de l’enfant et multiplier ses expériences. Certes cela peut surprendre, car dans notre regard d’adulte : « une table ce n’est pas fait pour monter dessus ». Nous explicitons bien aux enfants dans quel contexte ils peuvent ou ne peuvent pas monter dessus.
retour